samedi 11 avril 2015

Les musées et les formes de communication actuelles : les formes d'images qui captent l'attention

Il y aurait quelque chose à écrire sur les formes d’images (contenus, documents) qui captent l’attention. Je pense en particulier aux vidéos, mais aussi les photos, les articles, que l’on peut voir passer sur Facebook, et plus largement le surf internautique.
Dans cette économie de l’attention, qui est plus sûrement celle du rapt, du regard autant que de l’image, puis du partage, qui peut aussi être renvoi, passe, exclamation, cri, une connexion se crée.
Que l’on pense à ces étudiants devant créer une médiation, dans un musée, et qui tremblent de rater la création d’une connexion, chez les personnes présentes. Et au-delà à ce souci de transmettre une chose sérieuse qui nous dépasserait, par sa transcendance, son inappropriabilité ou sa complexité, presque irréductible à un échange humain, presque badin, surtout amusant et fugace.
Quelque chose à écrire dans la tension entre ces deux mémoires et pour le champ large, qu’agencées, elles ouvrent.
Une chose originale, surprenante, horrible, adorable, amusante, dans un format court quel que soit le média, sont ce qui capte davantage l’attention. Il ne s’agit pas que de spectaculaire pour autant, mais de démarque, de différence, même dans la série d’un thème récurrent, tel qu’un sujet d’actualité politique ou un centre d’intérêt, y compris une démarque des autres démarques.
La démarque est relationnelle, elle s’apprécie selon un contexte et doit être chargée d’un signe positif d’accroche, qui peut paraître, dans une approche apriorique, négatif, comme l’horreur, la haine ou la peur. Le contexte est fluctuant, rassemble des images et documents divers à un moment donné, et en sein la différence se fait par comparaison. Ce peut être les messages qui viennent de défiler sur Facebook, l’ensemble perçu des articles de presse sur un sujet, les connaissances sur un objet, etc.
Pour proposer un contenu, supposer une forme a priori n’est pas optimal, et peut davantage imiter, constituant ainsi in fine un fond contextuel sur lequel un autre contenu fera différence. L’originalité même n’étant pas décisive, dans un contexte où elle serait norme le roboratif, le déjà vu, gagnerait la primeur du clic. Une lecture fine du contexte dans lequel s’intègre le nouveau contenu est nécessaire.
Dans le monde des musées, il ne s’agit pas simplement de faire advenir une chose à l’existant, comme l’esprit de conservation puis d’exposition pouvait l’inciter. Sa forme et sa présentation doivent être prises en compte, dans une culture, récente, du design formel et communicationnel, et dans ce contexte également faire différence.
Un autre critère doit être relevé : la confiance accordée ou à accorder à l’émetteur. Dans le mouvement de la présentation du contenu, et de sa découverte, des signes sont perçus qui renseignent sur sa fiabilité. Ces signes sont perçus peu consciemment, aperçus un à un et compris ensemble. Une discordance trop importante amène à douter de la fiabilité du contenu et de la confiance à accorder à l’émetteur, selon une ligne de partage entre le vrai et non-vrai, la véridicité et la falsification (la blague). Un doute n’est pas nécessairement un rejet, mais un autre mode de communication, un autre lien : il peut faire différence, même être requis pour faire différence, dans un partage d’ironie à l’égard d’un contexte d’images qui est un ressort médiatique puissant (le Gorafi, Canal+, la culture geek).
Les institutions muséales en particulier, surtout publiques, génèrent une confiance spontanée importante. Leur devoir de fiabilité, qui implique des contrôles depuis la formation du personnel jusqu’à la vérification de chaque information publiée, peut être source de stress communicationnel, néfaste aux liens souhaités avec les publics à travers les contenus, et la rigidité institutionnelle, la peur de l’erreur, celle de la différence, sont lues dans les publications.
S’il est question ici implicitement essentiellement de médias froids, et d’émotions froides comme l’ironie, l’ensemble des liens avec les publics et des émotions éprouvées tendent à la chaleur. Plus encore, chacun navigue à travers des informations multiples et beaucoup de bruit. En rupture avec les médias les plus courants, un espace muséal spacieux, vide et calme, contre lequel luttent tous les professionnels car signe d’un manque d’affluence, donc d’un désintérêt des publics, donc d’une mauvaise performance de l’institution, est déjà une proposition différente qui peut être valorisée comme telle.
Le recours à la falsification, à l’ironie, est difficile dans les musées, au moins selon les codes les plus courants de la culture médiatique. Une communication sincère, véridique et pédagogique est plus souvent la norme, au contraire d’une malice, d’une férocité, d’un mordant. Au musée des Confluences, le visiteur s’arrête devant deux vidéos, au ton semblable à la série Karambolage d’Arte, qui remettent en cause avec malice et férocité la compréhension par l’homme de l’évolution des espèces et présentent, pour l’une, et expliquent à travers l’exemple de l’antilope, pour l’autre, la théorie du buisson.
Sincérité, véridicité, pédagogie : trois modes de communication qui, dans leur pleine innocence d’une légitimité à un lien, une communication, pleine et sans perte, perdent du terrain depuis de nombreuses années, sauf à atteindre un haut degré de persuasion acquis par un engagement total et une compétence exceptionnelle dans tel mode, comme lorsqu’un ingénieur de l’Agence spatiale européenne détaille la mission de la sonde Rosetta, ou qu’un chaton ou un panda roux se contente d’exister. Ces exigences, pour les musées, peut à certains égards entrer en conflit avec les volontés de simplifier et de rendre plus accessibles les discours et les contenus.
Les nouvelles formes de communication, que l’on peut appréhender à travers les images qui captent l’attention, valent pour tous les médias, avec dans tous les cas différentes différences et façons de faire différence, divers contextes d’images dans lesquels s’inscrivent les nouvelles images, et des positionnements communicationnels qui doivent être pensés et volontaires.

Leurs principaux traits est celui d’une actualité permanente à laquelle les professionnels doivent être sensibles et attentifs, d’un volontariat (créativité, proactivité) qui se distingue de l’imitation et de la neutralité, et d’une différence à inscrire perpétuellement. Ces traits tranchent avec la culture muséale, qui tend pourtant vers elle depuis de nombreuses années à travers les principaux débats qui la traversent (place des publics, médiations, interactivité, économie, institution ouverte, etc.).

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